Les profils des correspondants et leur maîtrise du patois sont variables. Sur le papier, pour devenir correspondant, il suffit de savoir lire et écrire et de parler patois. Mais répondre à des questionnaires est une activité exigeante et complexe. ll faut jongler entre le patois et le français et être capable de retranscrire fidèlement, par écrit, les sons que l’on utilise. Sans surprise, les enseignants représentent plus de la moitié des personnes recrutées. Viennent ensuite les hommes d’église, juges, notaires, élus ou autres fonctionnaires. Quant à la moyenne d’âge des correspondants, elle est assez élevée. Cela s’explique parce que, dans certaines régions, le patois n’est déjà plus parlé que par l’ancienne génération. Beaucoup de correspondants sont donc des personnes à la retraite : il faut avoir du temps pour remplir deux questionnaires par mois, ce qui n’est pas rien. D’autant que l’activité n’est pas rémunérée.
Beaucoup de volontaires abandonnent. En 1899, deux cents personnes se sont engagées à répondre régulièrement aux questionnaires. Mais après le premier envoi, en février 1900, les fondateurs doivent se rendre à l’évidence. Seule la moitié des correspondants a renvoyé des fiches au Glossaire. Les autres témoins se sont excusés ou n’ont plus donné signe de vie, probablement découragés par l’ampleur de la tâche. Et la situation ne s’arrange pas dans le courant de l’année. En effet, les désistements continuent.
Les fondateurs multiplient alors les efforts pour fidéliser les correspondants. Ils leur offrent de petites rétributions, leur remettent un diplôme d’honneur et publient leurs noms dans le bulletin du Glossaire. Jules Jeanjaquet leur écrit même personnellement pour les encourager à poursuivre leur collaboration. Grâce à ces efforts, une septantaine de correspondants de la première heure continue de remplir les questionnaires et plus d’une trentaine d’entre eux tiendra bon durant les onze ans de l’enquête. Ils sont rejoints par des témoins recrutés en cours de route. Ceux-là acceptent d’ailleurs souvent de reprendre toute la série de questionnaires. Au final, les matériaux collectés seront bien assez nombreux pour rédiger le Glossaire.